Le 41e Symposium international d’art contemporain de Baie Saint-Paul invite les artistes à proposer des projets mettant l’accent sur ce qui nous construit en tant que personne — qu’incarne ici la question « Qui est ‘Je ‘?» —, ou sur ce qui nous construit et nous définit en tant que collectivité et qu‘évoque la question « Qui est ‘Nous’ ?». Inspiré en partie du titre d’un livre du sociologue Vincent de Gaulejac (Qui est «Je» ?, Seuil, 2009), cette édition du Symposium met l’accent sur l’architecture suprasensible qui nous caractérise, et dont les éléments, les racines ou les ramifications innombrables sont souvent méconnus ou voilés. En d’autres mots, ce thème propose une réflexion sur nos assises intérieures et sur les multiples facettes qui nous composent individuellement et collectivement. Ainsi, le mot FIGURES peut recevoir diverses interprétations : il peut renvoyer à la dimension humaine du corps (visage, physionomie, expression); il peut aussi revêtir un sens symbolique, conceptuel ou abstrait (au sens d’allégorie, emblème, attribut, représentation, personnification, etc.)
La question de l’identité dans le contexte des sociétés actuelles
Les sociétés actuelles, par leur composition et les interactions engendrées par une ouverture sur le monde sans précédent, questionnent sans relâche les fondements de la notion d’identité, dont les contours sont constamment revus et réinterprétés à l’aune de l’expérience personnelle ainsi que des interactions nombreuses marquant la vie de chaque individu. À cela s’ajoute un contexte social et culturel atomisé, fragmenté et globalisé où s’entrelacent des cultures diverses et des groupes sociaux en évolution. Loin d’être stable la notion d’identité, individuelle ou collective, est ambivalente, polymorphe et polysémique. De la sphère intime du « Je » à celle du «Nous », un portrait riche émerge, où se juxtaposent à la fois la mémoire des faits, l’expérience personnelle, les contacts intersubjectifs et les repères que constitue toute culture donnée. Chaque personne, en ce sens, incarne métaphoriquement une architecture singulière dans laquelle sont configurés, agencés, organisés ou assemblés les éléments qui la composent.
La représentation de soi, de l’autre et du groupe dans le monde de l’art
La représentation de soi, de l’autre et du groupe a été pendant longtemps l’un des thèmes majeurs de la production artistique, soit sous la forme d’autoportraits, de portraits ou de portraits de groupes (portraits de famille, de communautés d’appartenance, de classes sociales, etc.). Réalisé traditionnellement dans une figuration aux formes codifiées, le genre du portrait s’est transformé au 20e siècle, les artistes déployant une liberté jusqu’alors inégalée dans le traitement des sujets et faisant appel à des formes expressives souvent inédites. Les portraits cubistes, expressionnistes, surréalistes, ceux du Warhol et F. Bacon, pour ne nommer que ceux-là, ont redéfini le caractère et la forme de ce genre artistique ainsi que notre perception et notre compréhension de ce dernier. Par exemple, lorsque le peintre américain Edward Hopper (1882-1967) intitule Autoportrait (1925) un tableau représentant une maison isolée en bordure d’un chemin de fer, il ne fait pas appel à la ressemblance avec un modèle, mais plutôt à la puissance de la métaphore, grâce à laquelle il investit d’un sens symbolique les éléments de son tableau. Plus récemment, l’artiste afro-américain Kehinde Wiley (1977-), en utilisant les codes de représentation du portrait classique, en transforme l’usage en peignant des membres de la communauté noire (le « Nous ») dans des attitudes et des rôles associés auparavant aux figures de pouvoir.
Du point de vue artistique, cette édition du Symposium propose ainsi de questionner et d’actualiser le genre du portrait et de l’autoportrait, dans un esprit de recherche et de dépassement exploratoire et imaginatif de motifs et de formes pouvant incarner la notion d’individualité — Qui est «Je»? —, et de collectivité — Qui est «Nous»? À l’instar des exemples mentionnés ci-dessus, la représentation du « Je » et du « Nous » peut être médiatisée par des objets divers et prendre l’apparence de sites naturels ou urbains, de références historiques ou de figures diverses afin de traduire les perceptions, les émotions et les identifications symboliques signifiantes. À l’ère du selfie et d’une conscience inégalée de l’individualité, dans un contexte où se multiplient les contacts avec diverses communautés et d’autres cultures, comment tracer le portrait de ce qui nous constitue en tant qu’identité singulière et/ou comme collectivité?
L'APPEL À PROJETS S'EST TERMINÉ LE 12 DÉCEMBRE 2022.