Symposium 2024
26 juillet au 25 août 2024
HABITER LE MONDE
Art et écologie
Le 42e Symposium d’art contemporain de Baie-Saint-Paul (Québec, Canada) se déroulera en 2024 sur le thème Habiter le monde- Art et écologie. Nous invitons les artistes en arts visuels à soumettre un projet à réaliser dans les médiums suivants ou encore dans une combinaison de ceux-ci : dessin, peinture, photographie, vidéo, sculpture, installation, technologies numériques, art sonore, éléments naturels (terre, bois, eau, etc.). Les projets pourront être réalisés en atelier (à l’intérieur) et/ou sur un site extérieur à déterminer selon les besoins du projet.
Habiter le monde : le contexte environnemental
Nul enjeu n’est plus important à l’heure actuelle que l’avenir de la planète. Depuis plusieurs années déjà, de nombreux rapports scientifiques nous avertissent de l’état de déséquilibre de la Terre et des écosystèmes qu’elle abrite, ce dont témoignent les phénomènes climatiques extrêmes de plus en plus fréquents auxquels nous assistons dans différentes régions du monde. Aux problèmes climatiques déjà présents — gaz à effet de serre, fonte des glaces, montée du niveau des océans, périodes de chaleur intense, etc. — , s’en ajouteront d’autres tous provoqués par le dérèglement des écosystèmes planétaires.
Le monde de l’art a fait sienne cette préoccupation centrale de notre temps. L’historien Paul Ardenne écrit, par exemple, dans Un art écologique: « L’actuel enjeu écologique est majeur. À travers lui est engagée la survie de l’espèce humaine sur la Planète. À travers lui, sans ménagement, se pose la question du maintien ou non de cette même espèce humaine au sein de la «Terre Mère», si possible dans des conditions non apocalyptiques. Lutter contre le désastre environnemental? C’est entendu : il le faut, et maintenant ». Or, quoi viser dans cette lutte pour l’environnement? Dans un article de 2015, Bruno Latour mentionne à ce sujet: «[…] la question écologique n’est pas qu’environnementale, mais concerne également l’habitation, les modes de vie et de survie, l’organisation générale».
Voilà ce qu’on entend par «habiter le monde », c’est-à-dire les différentes manières d’occuper nos milieux de vie, les façons dont nous utilisons les ressources, les valeurs guidant nos modes de vie.
Le rôle de l’art
Aux côtés des analyses de la science et des protestations des écologistes, que peut l’art devant cette préoccupation fondamentale du XXIe siècle ? Que peut-il ajouter aux discours ambiants? Peut-il favoriser la prise de conscience nécessaire que réclame l’état actuel de la planète?
Comme le souligne Valérie Belmokhtar dans L’Artiste et le vivant : «À priori, l’art ne peut pas faire grand-chose de concret concernant la montée des eaux, la pollution de l’air et la disparition des espèces ». Mais si la portée de l’art n’est pas de l’ordre du concret, il a en revanche un pouvoir immense par le fait de représenter, de symboliser et de donner forme à des visions du monde. Dans le passé, l’art a façonné le visage des cultures et des civilisations en témoignant de leur évolution. Peut-il, de nos jours, contribuer à un changement des mentalités, à une prise de conscience pouvant modifier notre rapport à l’environnement et aux formes de vie qui l’habitent ? Peut-il contribuer à l’essor d’une nouvelle sensibilité devant les formes du vivant ?
Le thème proposé souhaite ainsi mettre en valeur l’apport des artistes en arts visuels à ces questions cruciales, plus précisément leur capacité à mettre en forme et à incarner des rapports à l’environnement et aux éléments naturels différents de ceux dont nous avons hérités, fondés le plus souvent sur les valeurs du capitalisme et l’exploitation sans borne des ressources naturelles, ce qui a mené au déclin de la biodiversité et au déséquilibre actuel des écosystèmes planétaires.
À propos d’écologie
Le terme «écologie» renvoie à l’idée de relations entre les éléments d’un écosystème. Par exemple, au sens biologique, il désigne les relations entre les organismes vivants et leurs milieu de vie. Au sens sociologique, il renvoie aux relations entre les êtres humains et leurs milieux socio-économiques. Au sens politique, il désigne les actions militantes exercées dans le but de protéger l’environnement et de promouvoir une adaptation des activités humainestenant comptedes besoins de chaque écosystème (ex. contre la monoculture, pour une culture agro-alimentaire diversifiée).
L’art écologique peut se décliner de diverses façons et s’intéresser à différents domaines de l’activité humaine et du monde naturel. Il peut dénoncer, critiquer, éclairer ce qui est passé sous silence. Il peut influencer l’image intérieure que nous nous faisons de l’environnement en marquant la perception et l’imaginaire
Orientations et pistes suggérées
Les orientations et les pistes que nous suggérons ici ne sont pas exhaustives. D’autres sujets, motifs ou thèmes peuvent être abordés, à la condition d’être en lien étroit avec la thématique générale proposées ci-dessus.
Le monde et ses écosystèmes
Les écosystèmes de la planète ont chacun leurs particularités et sont tous interreliés.
Comment mettre en valeur ces particularités et leurs conditions d’existence ?
- l’écosystème végétal : la flore, la botanique;
- l’écosystème du vivant : l’humain et la faune (animaux terrestres et marins) :
- l’écosystème géologique : le monde minéral (la matière première, les ressources
- naturelles) :
- l’équilibre et le déséquilibre dans les interrelations entre les écosystèmes;
- etc.
Des pratiques artistiques écologiques : matériaux et sites naturels
La perspective d’un art écologique modifie le rapport aux matériaux employés de même que la relation de de l’artiste et de l’œuvre au site naturel.
L’art écologique valorise :
- une relation de co-présence entre l’humain et la nature dans laquelle l’artiste
- œuvre dans, avec et pour la nature;
- le recours à des matériaux naturels (bois, terre, eau, etc.) prélevés d’un site, sans
- destruction ni transformations durables de ce site;
- l’œuvre éphémère (site extérieur) ne laissant aucune trace durable de sa présence momentanée (inscription «douce»);
- l’emploi de matériaux trouvés et récupérés acquérant une seconde vie;
- etc.
L’Âge de l’«Anthropocène »
L’évolution de l’humanité est définie en différentes périodes préhistoriques et historiques portant chacune un nom spécifique. Le mot «anthropocène» a été proposé pour désigner la période historique actuelle, caractérisée par la forte empreinte humaine et la transformation en profondeur de la planète :
- identifier, analyser un ou des signes de l’empreinte humaine sur la planète;
- jeter un regard critique sur les effets de cette empreinte;
- diminuer ou atténuer l’empreinte humaine;
- etc.
La Nature et le Vivant : la vision des peuples autochtones
Les peuples autochtones ont développé des rapports à la Nature et au Vivant très différentes du point de vue capitaliste occidental. En tant qu’artistes autochtones, comment concevez-vous ou vivez-vous :
- la place de l’être humain dans le monde naturel;
- l’exploitation des ressources naturelles;
- la Nature et la spiritualité;
- etc.
Résister : pour le monde de demain
La situation planétaire actuelle réclame un changement majeur de nos modes de vie. Ce changement ne pourra se faire sans une prise de conscience collective et des actions transformatrices aux plans social et politique. Comment l’art peut-il valoriser ou favoriser :
- la résistance aux modes de vie destructeurs des écosystèmes planétaires?
- le changement, la transformation des habitudes et des mentalités?
- l’appui à la biodiversité ?
- le rêve d’un autre monde possible?
Comment habiter le monde autrement ?
Voici le territoire que vous propose d’explorer, du 26 juillet au 25 août 2024, la thématique du 42e Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul : Habiter le monde- Art et écologie.
Anne Beauchemin
Directrice artistique
Paul Ardenne, Un Art écologique, Création plasticienne et anthropocène, Bruxelles, Éditions Le Bord de l’Eau, 2018, p. 7.
Bruno Latour, , «Rien ne peut plus arriver aux modernes», Art Press, no. 428, déc. 2015, p. 56.
Valérie Belmokhtar, L’artiste et le vivant, Pour un art écologique, inclusif et engagé, Éditions Pyramid, 2022, p. 12.